mardi 28 décembre 2010

SAFER: Contestation de la préemption

La demande d'annulation d'une préemption par une SAFER doit impérativement être faite dans le délai de 6 mois à compter du jour où la décision motivée de la préemption a été publiée (art. L 143.13 du code rural).

Quand l'affichage en mairie a été réalisé le 20 mars 2004, l'action contestant la préemption de la SAFER le 24 février 2005 est tardive et jugée irrecevable (3ème Civ. 8 décembre 2010 ; pourvoi n° 09 71.830).

Dans cette espèce, le vendeur considérait que le caractère boisé des parcelles aliénées excluait le droit de préemption de la SAFER.
 

Droit de préemption du preneur (bail rural)

Le preneur peut parfaitement renoncer à exercer son droit de préemption mais à condition de le faire en toute connaissance de cause.

C'est la solution qui ressort d'un arrêt de la Cour de cassation (3ème Civ. 27 octobre 2010 , pourvois n° 09.15348 et 09.70586). La Haute Juridiction casse l'arrêt d'appel au motif que les juges d'appel n'ont pas vérifié si la notification de la vente faite au fermier contenait le prix et les conditions de la vente envisagée.

La Cour de cassation avait déjà statué en ce sens (3ème Civ. 21 mars 1984 . Bull civ III. n°74).
  

jeudi 9 décembre 2010

Créance de salaire différé (Article)

Article paru dans Info Agricole (novembre 2009 - n°115).

Créance de salaire différé

La créance de salaire différé suscite toujours des débats passionnés qui se terminent le plus souvent devant le Tribunal. Les décisions publiées tendent à le confirmer mais on peut se demander si les procédures judiciaires vont continuer à prospérer.

Cette interrogation est suscitée par la réforme récente de la prescription civile par la loi du 17 juin 2008 publiée au Journal Officiel du 18 juin 2008 (p. 9856). Jusqu’à la période récente, le bénéficiaire de la créance de salaire différé disposait de trente ans pour la réclamer et ce délai très long courait à compter de l’ouverture de la succession de l’exploitant (voir notamment 1re Civ. 16 juillet 1998, Bull. Civ. I n° 264). La loi nouvelle qui raccourcit considérablement la prescription change la donne.

Une prescription plus courte

Depuis l’entrée en vigueur de la loi du 17 juin 2008, l’action ne se prescrit plus par trente ans mais par cinq ans à compter de l’ouverture de la succession de l’exploitant (art. 2224 du Code Civil).

Le bénéficiaire de la créance ne devra donc pas oublier de la réclamer dans le nouveau délai imparti.

La règle est relativement simple quand le décès de l’exploitant est intervenu récemment.

La question est toutefois beaucoup plus délicate quand le décès de l’ascendant date déjà de plusieurs années alors que la prescription trentenaire était en cours au moment de l’entrée en vigueur de la loi du 17 juin 2008.

I – L’application de la loi dans le temps

La loi nouvelle qui réduit de façon drastique la prescription trentenaire a pris soin de prévoir comment la nouvelle prescription de cinq ans pouvait être compatible avec l’ancienne.

Ainsi quand le délai est réduit, la prescription de cinq ans commence à courir du jour de l’entrée en vigueur de la loi sans que la durée totale de la prescription puisse excéder le délai de trente ans (article 26 de la loi du 17 juin 2008).

A titre d’exemple, si le décès de l’exploitant date du 1er avril 1982 et à supposer que la créance n’ait pas été réclamée, le délai de cinq ans court à compter du 19 juin 2008 mais l’action ne sera prescrite pour le bénéficiaire que le 1er avril 2012, soit à l’expiration du délai de trente ans.

En revanche, si une action a été introduite avant le 19 juin 2008, l’action est poursuivie et jugée par application de la loi ancienne tout au long de la procédure, y compris en appel et en cassation.

Une sérieuse difficulté cependant demeure : quel est le point de départ de la nouvelle prescription ? Cette question n’a pas de solution certaine pour le moment selon les hypothèses rencontrées.

II – Le point de départ de la nouvelle prescription quinquennale

Cette simple question suscite en réalité deux sortes de difficultés même si, a priori, le point de départ de la prescription est en principe l’ouverture de la succession de l’exploitant.

1/ La date de décès de l’exploitant

Les dispositions particulières concernant la créance de salaire différé n’ont pas été modifiées et la jurisprudence de la Cour de Cassation a toujours décidé que la créance ne naît et ne devient exigible qu’au jour du décès de l’ascendant exploitant.

C’est donc bien la date de ce décès qui constitue le point de départ de la nouvelle prescription. Cependant, la loi du 17 juin 2008 a précisé que le point de départ de la prescription correspond « au jour où le titulaire d’un droit a connu ou aurait dû connaître les faits lui permettant de l’exercer » (article 2224 du Code Civil).

Il est probable qu’un bénéficiaire de créance de salaire différé soutiendra pour échapper à la prescription qu’il n’avait pas connaissance de la date de décès de ses parents au motif qu’il était fâché avec eux depuis des années et qu’il résidait à l’étranger.

Quelle solution sera alors retenue ? La date du décès de l’exploitant ou la date à laquelle le bénéficiaire de l’exploitant a effectivement eu connaissance du décès de son auteur ?

2/ Quelle date de décès retenir en présence de deux coexploitants ?

La situation des deux parents coexploitants est banale et la Cour de Cassation s’est déjà prononcée sur ce cas : pour la Haute juridiction, il n’existe qu’un seul contrat de salaire différé et le bénéficiaire de la créance peut la réclamer dans l’une ou l’autre succession des parents (Civ. 1re, 7 novembre 1995, JCP 1998 N, p. 722 note D.G. BRELET).

La créance naît au décès du premier des parents, mais elle peut être demandée et exigée lors du règlement de la première succession ou seulement après le décès du deuxième parent au cours du règlement de la seconde succession. Mais à cette date la créance ne sera-t-elle pas prescrite, si le décès du second parent intervient plus de cinq ans après le décès du premier ?

Dans ce cas, le bénéficiaire de la créance ne devra pas attendre et réclamer sa créance dans le délai de cinq ans à compter de la disparition de son premier parent. Mieux vaut tenir que courir selon le dicton.

Pour autant, cette solution n’est guère satisfaisante ; pourquoi ne pas suggérer l’application d’une double prescription. Passé le délai de cinq ans à compter du décès du premier parent, il ne serait plus possible de réclamer la créance dans sa succession.

En revanche, cette réclamation serait possible au cours du délai de cinq ans du règlement de la succession du second parent à supposer que l’actif soit suffisant pour la payer.

Cette proposition de solution est assez conforme aux situations rencontrées où les héritiers en présence du conjoint survivant attendent son décès pour demander leurs parts et régler alors les successions des deux parents.

Cette solution est aussi la plus favorable pour résoudre le cas où les parents ne sont pas exploitants en même temps mais l’un après l’autre.

3/ Le cas des deux parents exploitant successivement

Dans cette hypothèse, la Cour de Cassation considère qu’il n’existe qu’un seul contrat de salaire différé et le bénéficiaire peut exercer son droit de créance sur l’une ou l’autre des successions, mais dans la limite d’une période de dix ans (Civ. 1re, 23 janvier 2008, Bull. Civ. I n° 29).

Il est courant que le second parent reprenne l’exploitation après le décès du premier. Quelle solution adopter si celui qui poursuit l’exploitation décède lui-même dix ans après alors que le descendant a travaillé pour lui pendant six à sept ans ? Peut-on vraiment reprocher à ce dernier de ne pas avoir fait valoir sa créance (en totalité ?) au décès de son premier parent et considérer celle-ci prescrite cinq ans après ?

Le bon sens commande que le bénéficiaire de la créance réclame son règlement au décès du second parent, sachant en outre qu’il est probable que la succession du premier parent n’aura pas encore été liquidée et réglée.

Il disposera alors d’un délai de cinq ans à compter du second décès pour faire valoir son droit.

Les recours judiciaires sur la question de la créance de salaire différé vont-il prendre fin ? En toute hypothèse, sur la question de la prescription, le débat est loin d’être clos.

Denis BRELET (Avocat à la Cour)
  

La parcelle dite "de subsistance" revient-elle à la mode ? (Article)

Article paru dans Info Agricole (septembre 2009 - n°114).

La parcelle dite « de subsistance » revient-elle à la mode ?

Derrière l’appellation de parcelle de subsistance, se cache en réalité la surface susceptible d’être mise en valeur par un exploitant qui cesse son activité agricole.

En principe, la parcelle de subsistance vise la surface que les exploitants préretraités ont le droit de continuer à exploiter, soit une superficie maximale de 50 ares. Elle concerne aussi les parcelles de l’agriculteur en difficulté qui cesse son activité et qui bénéficie d’aides à la réinsertion professionnelle qu’il est autorisé à mettre en valeur.

Mais d’une manière générale, on appelle ainsi la surface susceptible d’être conservée par l’agriculteur qui cesse son activité pour prendre sa retraite : celui-ci a la possibilité de mettre en valeur une certaine superficie fixée dans chaque département dans la limite maximale de 1/5e de la surface minimale d’installation, sans pour autant remettre en cause ses prestations retraite liquidées par un régime obligatoire dont le régime agricole.

La mesure est expressément prévue par le Code rural au titre des dispositions sociales (art. L.739-39 al. 6 et 7) mais aussi au titre du statut du fermage. L’article L.411-64 du Code rural permet ainsi au bailleur de constituer une exploitation de subsistance. Mais ce texte qui concerne le propriétaire est parfois invoqué par le fermier.

Ce droit d’exercer une toute petite activité agricole est jalousement disputé entre les deux parties au contrat de bail comme en témoignent les décisions publiées.

1 - Le droit du bailleur âgé

Depuis longtemps, le législateur permet au bailleur qui a atteint l’âge de la retraite d’exercer un droit de reprise spécifique afin de constituer une exploitation de subsistance dont la surface est limitée par arrêté préfectoral.

La possibilité pour le bailleur de se prévaloir de ce droit a été contestée par les fermiers en place. Ceux-ci se sont opposés à cette possibilité de constituer une exploitation de subsistance au motif que le bailleur disposait de suffisamment de ressources. La Cour de Cassation n’a pas retenu cette argumentation (3e Civ. 23 avril 1974, Bull. Civ. III n° I60) : seule compte la superficie reprise qui doit être inférieure au seuil minimum prévu par la loi (3e Civ. 20 juillet 1989, Bull. Civ. III n° 171) et qui s’apprécie tout à fait légitimement à la date d’effet du congé, c’est-à-dire au terme du bail (3e Civ. 12 novembre 1980, Bull. Civ. III n° 176 - 3e Civ. 14 juin 2006).

Récemment encore, la Cour de Cassation a été saisie d’une affaire où le propriétaire voulait reprendre deux parcelles de 78 ares. Le fermier s’y est opposé, invoquant les aides à la réinsertion professionnelle reçues par le bailleur ainsi que des loyers perçus par celui-ci. En outre, la modeste surface ne correspondait nullement à une parcelle de subsistance.

La 3ème Chambre Civile approuve pourtant les juges d’appel pour avoir validé le congé délivré au fermier en constatant que la reprise du verger et du potager était bien destinée à subvenir aux besoins de sa famille que ses faibles ressources ne lui permettaient pas d’assumer en totalité (3e Civ. 26 novembre 2008).

La Haute juridiction confirme ainsi le droit du propriétaire de se prévaloir de la reprise de parcelles modestes qui ne devraient avoir guère d’incidence sur l’exploitation du fermier. Mais ce dernier ne peut-il pas à son tour se prévaloir du droit de conserver en location quelques parcelles ?

2 - Le droit du preneur âgé

A la suite d’un congé délivré par un bailleur afin de reprendre quelques parcelles pour les exploiter, un fermier a invoqué le droit au renouvellement de son bail pour en poursuivre la mise en valeur en raison de leur modeste surface alors qu’il avait pourtant atteint l’âge de la retraite.

Le preneur, pour rester dans les lieux, s’est fondé sur une interprétation «a contrario» des dispositions de l’article L.411- 64 du Code rural qui concernent le bailleur.

La Cour de cassation dans un arrêt du 10 avril 2002 (Bull. Civ. III n° 85) a reconnu le bien-fondé de sa prétention.

Précédemment, une Cour d’Appel avait déjà annulé un congé qui avait pour objet une parcelle dite de subsistance, reconnaissant ainsi au fermier une sorte de droit au maintien dansles lieux dans le but de subvenir à ses besoins (C.A. RIOM, 25 mai 1999).

Faut-il vraiment s’étonner de voir les fermiers vouloir conserver quelques parcelles de terres d’une superficie réduite afin de compléter leurs modestes prestations de retraite ?

Ce qui est en revanche plus étonnant, c’est l’affirmation d’un droit discrétionnaire ainsi reconnu aux exploitants, comme l’ont jugé récemment deux Cours d’Appel.

La Cour d’Appel de BESANCON reconnaît au preneur le droit de choisir de constituer son exploitation de subsistance sur des parcelles louées alors qu’il possède des parcelles lui appartenant en propre mais qu’il a préféré donner en location (CA BESANCON 17 juillet 2008).

La Cour d’Appel d’ORLEANS confirme qu’un tel choix appartient au preneur, l’option de conserver des terres louées ou de constituer une exploitation de subsistance sur ses propres parcelles n’étant soumise à aucune condition (CA ORLEANS 2 juillet 2008).

Mais que se passera-t-il le jour où le propriétaire voudra reprendre ses parcelles pour se constituer son exploitation de subsistance face au fermier qui prétendra au renouvellement de son bail pour subvenir à ses propres besoins ?

La primauté sera-t-elle donnée à la lettre du texte de l’article L.411-64 du Code rural ou verra-t-on au contraire la juridiction saisie se livrer à une analyse comparative de la situation réelle des parties en présence.

Le droit conféré par la loi au propriétaire devrait l’emporter.

Denis BRELET (Avocat à la Cour)
  

La division du fonds loué en cours de bail (Article)

Article paru dans Info Agricole (mars 2009 - n°112).

La division du fonds loué en cours de bail

Dans une précédente chronique intitulée « le redoutable piège des petites parcelles » (Info agricole, mars 2008), l’attention des lecteurs a été attirée sur la surface louée et l’arrêté préfectoral alors en vigueur pour savoir si la parcelle donnée à bail est toujours soumise au statut du fermage lors du renouvellement du bail.

Une interrogation similaire est utile dans la situation voisine où le fonds donné à bail se trouve être divisé par son propriétaire au cours de la location. Une telle division peut avoir des origines diverses liées à de nombreuses opérations patrimoniales. Les biens loués sont donnés ou compris dans une donation-partage ou le partage d’une succession ou d’un régime matrimonial. Ils peuvent même être vendus partiellement.

En raison de cette opération qui entraîne la division des biens loués, certains d’entre eux sont susceptibles alors de devenir «des petites parcelles qui ne sont plus soumises au statut du fermage au motif que leurs superficies sont inférieures au seuil déclenchant l’application dudit statut».

Une décision publiée récemment rappelle cette réalité. L’arrêt de la 3e Chambre Civile de la Cour de Cassation du 1er octobre 2008.

Un fermier apprend à ses dépens que la donation consentie par son propriétaire plus de vingt ans auparavant permet de l’évincer partiellement.

Dans cette affaire, un bail est conclu pour neuf ans en 1983 sur un ensemble de parcelles. Un an plus tard, le propriétaire donne l’une des parcelles à l’un de ses enfants. Ce dernier donne congé au preneur plus de vingt ans après : le congé délivré le 9 mai 2005 est fondé sur les dispositions de l’article L. 411-3 du Code Rural, c’est-à-dire conformément aux dispositions concernant «les petites parcelles» : il emporte ses effets le 10 novembre 2005.

Le preneur conteste alors le congé devant le Tribunal Paritaire en invoquant l’indivisibilité de son bail conclu en 1983 et qui s’est donc renouvelé par périodes de neuf ans, soit en 1992 et en 2001 pour se terminer éventuellement en 2010, date d’effet pour laquelle le congé aurait dû être normalement délivré.

Le fermier obtient entièrement satisfaction devant le Tribunal et la Cour, qui, tour à tour, annulent le congé.

L’arrêt de la Cour d’Appel est cependant cassé par la 3e Chambre Civile pour violation de la loi. La Cour de Cassation rappelle d’abord une règle qui n’est pas nouvelle : l’indivisibilité du bail cesse à son expiration (voir déjà 3e Civ. 8 octobre 1970) mais seulement à cette date (3e Civ. 5 avril 2006).

La Cour ajoute que le bail renouvelé à compter de l’expiration du précédent est « un nouveau bail » qui porte peut être sur la même superficie mais dont les propriétaires sont différents.

Pour peu que l’un de ces propriétaires dispose d’une surface inférieure au seuil d’application du statut du fermage, la parcelle en question ne s’y trouve plus soumise.

La location est alors régie par le droit commun des dispositions des articles 1774 (durée du bail d’une année) et 1775 du Code Civil (congé donné par écrit six mois au moins avant le terme).

En l’espèce, l’indivisibilité du bail d’origine conclu le 10 novembre 1983 avait cessé le 9 novembre 1992. A compter du 10 novembre 1992, la petite parcelle donnée huit ans plus tôt n’était plus soumise au statut du fermage mais à un bail annuel.

Conséquences juridiques de la division du fonds loué

Les effets attachés à la division du fonds loué ne sont pas sans incidence sur les droits du nouveau propriétaire et ceux du fermier.

La seule division du fonds loué n’a pas d’effet immédiat en raison de l’indivisibilité du bail qui se poursuit jusqu’au terme normal de la location et plus précisément jusqu’à la date de son renouvellement.

C’est la raison pour laquelle si le nouveau propriétaire veut reprendre sa parcelle pour le terme du bail, il doit délivrer congé au fermier au moins dix-huit mois à l’avance et par acte d’huissier. Il ne faut pas oublier que les conditions de validité du congé s’apprécient à la date à laquelle il est donné, c’est-à-dire à un moment où le statut du fermage s’applique.

En revanche, une fois le bail renouvelé, le statut du fermage ne s’applique plus à la surface inférieure au seuil minimum, pour peu qu’elle ne constitue pas une partie essentielle à l’exploitation.

Son propriétaire peut alors délivrer un congé conformément aux dispositions de l’article 1775 du Code Civil, c’est-à-dire par écrit et au moins six mois avant le terme.

Conclusion

Personne ne peut empêcher un ou des propriétaires de procéder à une opération patrimoniale de transmission ou de partage qui va permettre ultérieurement à son bénéficiaire de reprendre une surface certes réduite mais sans être confronté au dispositif très contraignant du statut du fermage

En revanche, il convient de mettre en garde ceux qui pourraient voir dans une telle opération le meilleur moyen d’évincer le fermier. La juridiction saisie par ce dernier est tout à fait en mesure d’annuler les congés délivrés si les propriétaires n’ont eu que cette volonté.

Tel est le cas si la division des biens ne correspond à aucun critère économique et ne s’impose pas à l’évidence n’ayant finalement pour but que d’écarter le droit du locataire au renouvellement de son bail.

C’est la raison donnée par la Cour de cassation dans un arrêt du 4 janvier 1979.

Cette mise en garde ne s’oppose pas bien entendu à toutes les opérations légitimes de transmission et de partage des biens loués.

Denis BRELET (Avocat à la Cour)
  

Le regain d’intérêt des exonérations fiscales liées aux biens loués à long terme et aux parts de GFA (Article)

Article publié dans Info Agricole (juin 2009 - n°113).

Le regain d’intérêt des exonérations fiscales liées aux biens loués à long terme et aux parts de GFA

Les transmissions à titre gratuit de biens ruraux et de parts de groupement foncier agricole loués à long terme bénéficient d’une exonération partielle de droits de mutation et aussi d’une exonération partielle d’impôt sur la fortune lorsque certaines conditions sont réunies.

Pour mémoire, les biens ruraux doivent être donnés à bail dans les conditions prévues aux articles L.416-1 et L.416-6, L. 416-8 et 9 du Code Rural, ainsi qu’aux articles L. 418-1 à L. 418-5 du même Code pour le nouveau bail cessible.

Quant aux parts sociales de GFA, il faut que ledit groupement corresponde aux caractéristiques imposées par les articles L.322-1 à L. 322-21, L. 322-23 et 24 du Code Rural (interdiction d’une exploitation en faire-valoir direct. Le patrimoine du groupement doit être donné à bail rural à long terme, cessible ou pas).

Jusqu’à présent, l’exonération partielle était égale aux trois quarts de la valeur des biens jusqu’à 76 000 € et de moitié au-delà.

Pour apprécier cette limitation de 76 000 €, il n’est tenu compte que des transmissions à titre gratuit des biens de même nature qui sont intervenues entre les mêmes personnes au cours des six années antérieures.

En effet, depuis 2006, tous les six ans, les bénéficiaires des transmissions à titre gratuit peuvent à nouveau se prévaloir de l’exonération des trois quarts de la valeur des biens transmis dans la limite prévue.

La nouveauté vient du relèvement de la limite de l’exonération partielle et de son actualisation chaque année.

Relèvement de la limite de l’exonération partielle

L’article 45 de la loi de finances rectificative pour 2008 qui modifie l’article 793 bis du Code Général des Impôts porte à 100 000 € la limite de l’exonération partielle.

Les donations et les successions comprenant des biens ruraux loués à long terme et des parts de GFA vont bénéficier d’une exonération partielle des trois quarts jusqu’à ce montant et de moitié au-delà.

En principe, toutes les transmissions à titre gratuit qui interviennent à compter du 1er janvier 2009 profitent de la mesure.

En outre, cette limite de 100 000 € pourra jouer à nouveau tous les six ans.

Le relèvement de la limite d’exonération partielle s’applique aussi en matière d’impôt sur la fortune.

L’article 39 de la loi de finances pour 2009 modifie l’article 885 H du Code Général des Impôts.

Pour cet impôt apprécié au 1er janvier 2009, les biens ruraux loués à long terme et les parts de GFA seront exonérés partiellement sous réserve des conditions requises inchangées, pour les trois quarts de leur valeur jusqu’à 100 000 € et pour moitié au-delà.

L’actualisation de la limite de l’exonération partielle

Afin de tenir compte de l’inflation, la loi TEPA du 21 août 2007 (article 9) et la loi de finances pour 2008 ont édicté le principe d’une indexation annuelle des abattements applicables aux mutations à titre gratuit.

La loi de finances pour 2009 précise que la limite de 100 000 € sera révisée chaque année (à compter du 1er janvier 2010) dans la même proportion que la limite supérieure de la première tranche du barème de l’impôt sur le revenu et arrondi à l’euro le plus proche.

A compter de 2010, cette actualisation de la limite de 100 000 € s’appliquera tant pour les mutations à titre gratuit que pour l’impôt sur la fortune.

Concernant ce dernier impôt, la loi de finances pour 2009 prévoit une autre mesure favorable concernant les parts de GFA.

L’exonération partielle des parts de GFA représentatives d’apport en numéraire

Jusqu’à présent, en matière d’impôt sur la fortune (article 885 H du CGI), l’exonération partielle des parts de GFA n’est applicable qu’aux seules parts représentatives d’apports en nature.

L’article 41 de la loi de finances pour 2009 lève cette restriction pour les parts de GFA non exploitants (mais aussi pour les parts de groupements forestiers).

En conséquence, à compter en principe du 1er janvier 2009, les parts de GFA (et de groupements forestiers) représentatives d’apports en numéraire peuvent bénéficier de l’exonération partielle d’impôt sur la fortune (V. instruction 6 février 2009, BOI 7-S-2-09).

Toutefois concernant les GFA, l’exonération partielle est limitée à la fraction de la valeur nette des parts de GFA représentatives des biens donnés à bail à long terme ou à bail cessible.

Ces quelques dispositions fiscales sont loin de constituer une révolution. Les mesures prises sont seulement une adaptation aux circonstances du moment ; elles ont vocation à s’appliquer à ceux qui possèdent aujourd’hui des biens ruraux loués à long terme ou des parts de GFA.

Denis BRELET (Avocat à la Cour)
  

mercredi 1 décembre 2010

Salaire différé: Droit à la créance

La Cour de Cassation confirme qu'un pluri-actif peut bénéficier d'une créance de salaire différé à condition qu'il participe effectivement aux travaux sur l'exploitation de ses parents et qu'il ne soit pas rémunéré (1ère Civ. 20 octobre 2010 - pourvoi n° 09.16583).

Il reste à savoir si le descendant a droit à une créance de salaire différé totale ou partielle. L'arrêt est muet sur cette question.
  

vendredi 26 novembre 2010

Baux ruraux: Congé

En présence de deux copreneurs, le bailleur doit délivrer congé aux deux. Le congé délivré à un seul copreneur n'est pas nul. Il est seulement inopposable à l'autre (Cass 3ème civ. 17 février 2010 pourvoi. n° 09.12989).

Baux ruraux: Préemption exercée par le preneur pluri-actif

Le preneur à bail rural bénéficie du droit de préemption même en cas de pluri-activité. Une Cour d'Appel admet qu'une directrice d'une maison de retraite peut exercer son droit de préemption sur des parcelles de terre louées (CA Caen, 18 septembre 2009).

Baux ruraux: Préemption exercée par le preneur

Par un arrêt du 17 février 2010, la 3ème Chambre civile de la Cour de Cassation annule une vente conclue en faveur d'un preneur qui avait exercé son droit de préemption au motif qu'il n'en était pas titulaire.

C'est l'acquéreur évincé qui a demandé la nullité de la vente au motif que le descendant du preneur subrogé dans ses droits ne remplissait pas les conditions de capacité et d'expérience professionnelle (Cass 3ème civ. 17 février 2010. pourvoi n° 09.10474).
 

Vente de terrain à bâtir par un agriculteur et TVA

Dans une réponse à un parlementaire, le ministre précise que la cession par un agriculteur d'un terrain de son exploitation devenu constructible au vu d'un PLU sera considéré comme réalisée dans le cadre de la gestion de son patrimoine et comme telle non assujettie à la TVA.

En revanche, les cessions de terrains à bâtir par un agriculteur ayant réalisé des travaux de viabilisation et mis en oeuvre des moyens de commercialisation avérés entrent de plein droit dans le champ d'application de la TVA (Rép ministr. n° 12909 JO, Déb Sénat 4 nov 2010 p 2894).

mardi 16 novembre 2010

Baux ruraux: Renouvellement du bail

Pour bénéficier du droit au renouvellement de son bail, le preneur a l'obligation d'exploiter personnellement le bien loué.

Si l'exercice d'une autre profession n'est pas nécessairement incompatible avec la participation effective et permanente aux travaux de la ferme, tout dépend de l'importance de cette autre profession et de la taille de l'exploitation.

Une personne qui n'est disponible que du jeudi 17h30 au lundi 8h00 n'a pas été admise à contester le congé qui lui avait été délivré pour le non renouvellement de son bail (Cour d'Appel de Riom 25 mars 2010).

Vente de parcelle boisée: Droit de préférence du propriétaire voisin

La loi de modernisation agricole du 27 juillet 2010 a créé un droit de préférence en faveur des voisins propriétaires en cas de vente d'une parcelle boisée (référencée de cette manière au cadastre) d'une surface inférieure à 4 hectares.

Cette mesure est applicable depuis le 28 juillet 2010. Le dispositif légal figure sous les articles L514-1 à L514-3 du Code forestier.

Ces textes très mal rédigés suscitent de très nombreuses interrogations qui sèment le doute sur leur application pratique.
 

samedi 13 novembre 2010

Bail rural: Cession à un descendant

Pour céder son bail à un descendant, le fermier doit obtenir l'autorisation préalable du propriétaire. Cette autorisation doit être donnée sans équivoque.

La Cour de Cassation décide que cette autorisation ne résulte nullement du simple paiement des fermages par le fils. Les parents soutenaient à tort que le bailleur avait accepté leur fils comme cessionnaire au motif que ce dernier avait payé des fermages sous forme de virements bancaires (3ème Civ., 23 mars 2010 - n° 09 . 12549).

Conseils:

  • Le fermier doit requérir l'autorisation expresse du propriétaire et s'en ménager la preuve.
  • Le propriétaire doit être vigilant sur les circonstances qui accompagnent le comportement de son fermier qui est son seul interlocuteur.

SAFER: Détournement de pouvoir

Quand une SAFER exerce son droit de préemption en faveur d'un candidat déterminé à l'avance, elle commet un abus de pouvoir. C'est ce que vient de décider la Cour d'Appel de Limoges dans un arrêt du 3 mai 2010.

La Cour de Cassation elle-même a déjà annulé des décisions de préemption pour ce motif (3ème Civ., 16 décembre 1998 - n°97 . 12469 ; 3ème Civ., 10 mars 1999 - n°97 . 14510).