jeudi 9 décembre 2010

La parcelle dite "de subsistance" revient-elle à la mode ? (Article)

Article paru dans Info Agricole (septembre 2009 - n°114).

La parcelle dite « de subsistance » revient-elle à la mode ?

Derrière l’appellation de parcelle de subsistance, se cache en réalité la surface susceptible d’être mise en valeur par un exploitant qui cesse son activité agricole.

En principe, la parcelle de subsistance vise la surface que les exploitants préretraités ont le droit de continuer à exploiter, soit une superficie maximale de 50 ares. Elle concerne aussi les parcelles de l’agriculteur en difficulté qui cesse son activité et qui bénéficie d’aides à la réinsertion professionnelle qu’il est autorisé à mettre en valeur.

Mais d’une manière générale, on appelle ainsi la surface susceptible d’être conservée par l’agriculteur qui cesse son activité pour prendre sa retraite : celui-ci a la possibilité de mettre en valeur une certaine superficie fixée dans chaque département dans la limite maximale de 1/5e de la surface minimale d’installation, sans pour autant remettre en cause ses prestations retraite liquidées par un régime obligatoire dont le régime agricole.

La mesure est expressément prévue par le Code rural au titre des dispositions sociales (art. L.739-39 al. 6 et 7) mais aussi au titre du statut du fermage. L’article L.411-64 du Code rural permet ainsi au bailleur de constituer une exploitation de subsistance. Mais ce texte qui concerne le propriétaire est parfois invoqué par le fermier.

Ce droit d’exercer une toute petite activité agricole est jalousement disputé entre les deux parties au contrat de bail comme en témoignent les décisions publiées.

1 - Le droit du bailleur âgé

Depuis longtemps, le législateur permet au bailleur qui a atteint l’âge de la retraite d’exercer un droit de reprise spécifique afin de constituer une exploitation de subsistance dont la surface est limitée par arrêté préfectoral.

La possibilité pour le bailleur de se prévaloir de ce droit a été contestée par les fermiers en place. Ceux-ci se sont opposés à cette possibilité de constituer une exploitation de subsistance au motif que le bailleur disposait de suffisamment de ressources. La Cour de Cassation n’a pas retenu cette argumentation (3e Civ. 23 avril 1974, Bull. Civ. III n° I60) : seule compte la superficie reprise qui doit être inférieure au seuil minimum prévu par la loi (3e Civ. 20 juillet 1989, Bull. Civ. III n° 171) et qui s’apprécie tout à fait légitimement à la date d’effet du congé, c’est-à-dire au terme du bail (3e Civ. 12 novembre 1980, Bull. Civ. III n° 176 - 3e Civ. 14 juin 2006).

Récemment encore, la Cour de Cassation a été saisie d’une affaire où le propriétaire voulait reprendre deux parcelles de 78 ares. Le fermier s’y est opposé, invoquant les aides à la réinsertion professionnelle reçues par le bailleur ainsi que des loyers perçus par celui-ci. En outre, la modeste surface ne correspondait nullement à une parcelle de subsistance.

La 3ème Chambre Civile approuve pourtant les juges d’appel pour avoir validé le congé délivré au fermier en constatant que la reprise du verger et du potager était bien destinée à subvenir aux besoins de sa famille que ses faibles ressources ne lui permettaient pas d’assumer en totalité (3e Civ. 26 novembre 2008).

La Haute juridiction confirme ainsi le droit du propriétaire de se prévaloir de la reprise de parcelles modestes qui ne devraient avoir guère d’incidence sur l’exploitation du fermier. Mais ce dernier ne peut-il pas à son tour se prévaloir du droit de conserver en location quelques parcelles ?

2 - Le droit du preneur âgé

A la suite d’un congé délivré par un bailleur afin de reprendre quelques parcelles pour les exploiter, un fermier a invoqué le droit au renouvellement de son bail pour en poursuivre la mise en valeur en raison de leur modeste surface alors qu’il avait pourtant atteint l’âge de la retraite.

Le preneur, pour rester dans les lieux, s’est fondé sur une interprétation «a contrario» des dispositions de l’article L.411- 64 du Code rural qui concernent le bailleur.

La Cour de cassation dans un arrêt du 10 avril 2002 (Bull. Civ. III n° 85) a reconnu le bien-fondé de sa prétention.

Précédemment, une Cour d’Appel avait déjà annulé un congé qui avait pour objet une parcelle dite de subsistance, reconnaissant ainsi au fermier une sorte de droit au maintien dansles lieux dans le but de subvenir à ses besoins (C.A. RIOM, 25 mai 1999).

Faut-il vraiment s’étonner de voir les fermiers vouloir conserver quelques parcelles de terres d’une superficie réduite afin de compléter leurs modestes prestations de retraite ?

Ce qui est en revanche plus étonnant, c’est l’affirmation d’un droit discrétionnaire ainsi reconnu aux exploitants, comme l’ont jugé récemment deux Cours d’Appel.

La Cour d’Appel de BESANCON reconnaît au preneur le droit de choisir de constituer son exploitation de subsistance sur des parcelles louées alors qu’il possède des parcelles lui appartenant en propre mais qu’il a préféré donner en location (CA BESANCON 17 juillet 2008).

La Cour d’Appel d’ORLEANS confirme qu’un tel choix appartient au preneur, l’option de conserver des terres louées ou de constituer une exploitation de subsistance sur ses propres parcelles n’étant soumise à aucune condition (CA ORLEANS 2 juillet 2008).

Mais que se passera-t-il le jour où le propriétaire voudra reprendre ses parcelles pour se constituer son exploitation de subsistance face au fermier qui prétendra au renouvellement de son bail pour subvenir à ses propres besoins ?

La primauté sera-t-elle donnée à la lettre du texte de l’article L.411-64 du Code rural ou verra-t-on au contraire la juridiction saisie se livrer à une analyse comparative de la situation réelle des parties en présence.

Le droit conféré par la loi au propriétaire devrait l’emporter.

Denis BRELET (Avocat à la Cour)
  

1 commentaire:

  1. Lorsqu'un agriculteur est à la fois propriétaire exploitant et fermier, s'il souhaite garder une parcelle de subsistance, doit-il garder une parcelle dont il est propriétaire, ou a-t-il le choix entre une parcelle dont il est propriétaire et une parcelle qui lui est louée ?

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